Résumé

Ce workshop a pour ambition de retracer la cause des femmes en Corée depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours, en prenant appui sur la catégorie d’analyse « espace de la cause des femmes », afin de mieux saisir l’héritage des luttes des femmes depuis plus d’un siècle et, par là, d’appréhender les enjeux actuels des mobilisations féministes.

Présentation

Repenser les « mouvements féminins et féministes »[1]

Depuis l’institutionnalisation accélérée de la cause des femmes au sein de l’appareil politique qui s’est essentiellement traduite par la création du ministère de la Femme en 2001, les mouvements féministes connaissent des tournants importants en Corée du Sud. Premièrement, le militantisme institutionnel se sépare, à partir du milieu des années 2000, du militantisme non institutionnel, contrairement aux années précédentes où ces deux positionnements militants collaboraient dans un mouvement conjoint de légitimation de la cause des femmes dans les institutions politiques. Deuxièmement, un nouveau militantisme contestant la culture patriarcale dans les pratiques sociales émerge avec le développement rapide du « féminisme radical ». Mené par des militantes qualifiées de « jeune jeune génération » (yŏng yŏng p’eminisŭt’ŭ, 영영페미니스트, young young feminist) et caractérisé par un militantisme virtuel, ce « nouveau » féminisme marque une fracture générationnelle et contribue à la prolifération du discours antiféministe questionnant notamment la légitimité de l’instance chargée des droits des femmes. Troisièmement, suite à la diversification des mouvements féminins et à la montée du mouvement LGBT, l’interconnexion entre des mouvements sociaux de femmes et des mouvements féministes s’accentue, en même temps que l’imbrication de ces derniers avec d’autres mouvements minoritaires féminins de genre et de sexualité apparaît.

Cette nouvelle configuration souligne tout à la fois l’évolution de la cause des femmes et la diversification des sites de mobilisation, ainsi que les rapports entre générations, entre le militantisme et les institutions, et entre le féminisme et l’antiféminisme. D’innombrables travaux scientifiques sud-coréens ont tenté de l’éclaircir, mais en bornant leur angle d’analyse aux mouvements sociaux sectorisés et/ou aux rapports de genre. De telles approches ne suffisent pas à rendre compte des rapports enchevêtrés entre collectifs, réseaux, pôles de luttes et champs concernés, qui se sont établis historiquement en fonction des enjeux de mobilisations féminines et féministes du moment. Le recours à la catégorie d’analyse « espace de la cause des femmes »[2] incorporant la dimension historique trouve son appui dans la saisie de cette complexité transversale dans l’espace et dans le temps.

Ce workshop a donc pour ambition de retracer l’« espace de la cause des femmes » en Corée de la fin du XIXe siècle à nos jours, en examinant les enjeux du moment et leurs effets dans la mouvance de cet espace, afin de mieux saisir l’héritage de plus d’un siècle de luttes des femmes dans sa configuration actuelle. Il s’agit précisément d’étudier, tant du point de vue organisationnel qu’idéologique, les acteur.ice.s et les rapports qui les unissent ou les opposent, ainsi que leurs sites de mobilisation autour d’un enjeu commun sur une période donnée. Une attention particulière sera également accordée aux discours sur différentes catégories de femmes et les rapports de genre, qui transpercent cet espace et produisent des représentations sociales. Par ailleurs, du fait que les « mouvements des femmes » traversent différentes sphères sociales, sera privilégié sur ces mouvements un regard issu d’approches disciplinaires variées (sociologie, anthropologie, histoire, sciences politiques, littérature, linguistique, sciences de la communication et de l’information, etc.). Enfin, ce workshop souhaite être un lieu de réunion des chercheur.se.s travaillant sur les femmes en Corée dans l’objectif de constituer un groupe de travail et, par la suite, de publier un ouvrage collectif.



[1] En coréen, « yŏsŏng undong » (여성운동) et « yŏsŏng chuǔi undong » (여성주의운동). Ces deux expressions sont utilisées de façon indifférenciée dans la société sud-coréenne, mais elles sont ici employées de manière distincte, partant de l’idée selon laquelle tous les mouvements sociaux des femmes ne sont pas nécessairement inscrits dans l’agenda militant des féministes, et ce, afin de mieux cerner les enjeux du champ militant. Sur le principe de distinction entre les mouvements féminins et féministes, voir : BERENI Laure et al., Introduction aux études sur le genre, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, 2012 [2008], p. 263-264.

[2] Cette catégorie d’analyse peut être définie « comme la configuration des sites de mobilisation pour la cause des femmes dans une pluralité de sphères sociales. Il s’agit d’une catégorie plus large que ce que l’on entend habituellement par “mouvement des femmes“ ». BERENI Laure, « Penser la transversalité des mobilisations féministes : l’espace de la cause des femmes » in BRAD Christine, Les féministes de la 2ème vague, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 28 [article publié sur Hal : 978-2-7535-1808-7. halshs-01349832]. Elle peut renvoyer à « l’ensemble des actrices engagées dans des collectifs spécialisés dans la lutte au nom des femmes (le groupe des femmes constitue le référent et le sujet des luttes) et pour la cause des femmes (la transformation de rapports de genre jugés injustes), quelle que soit la définition des termes de leur lutte (notamment leur degré de radicalité) et le site dans lequel elle se déploie ». BERENI Laure, « Du MLF au Mouvement pour la parité. La genèse d'une nouvelle cause dans l'espace de la cause des femmes », Politix, n°78, 2007, p. 107.

Comité d'organisation

Yejin CHA (IFRAE, Inalco)  et  Kyung Mi KIM (CCJ-CRC, UPCité) 

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